Interview de
Claudia Jenatsch
costumière
Après une formation à l'Académie des Beaux-Arts de Vienne, section scénographie et costumes, Claudia Jenatsch a débuté directement dans le monde du théâtre. Très vite, elle travaille avec de grands metteurs en scène, Luc Bondy, Klaus Michael Grüber, Clevenot... Aujourd'hui, elle crée les décors et les costumes de nombreux spectacles et spécifiquement d'opéras, tant en France qu'en Suisse ou en Allemagne.
C'est le hasard des rencontres qui l'a poussée plus spécifiquement vers le métier de costumière, qu'elle exerce professionnellement depuis plus de vingt ans.
Le 16 avril 2015, elle répond aux questions des élèves de 2e et revient sur son métier, à l'occasion du spectacle Les Trois soeurs de Tchekhov dans une mise en scène de Jean-Yves Ruf, qu'ils ont vu au TGP de Saint-Denis quelques jours auparavant et pour lequel elle a créé les costumes.
Les recherches dramaturgiques
C'est toujours intéressant de se renseigner. On peut le faire sur le texte, mais aussi sur le contexte, les précédentes mises en scène. Après, il faut essayer de se mettre dans son cocon, pour ne pas être influencé. Il faut laisser place au texte et à la mise en scène.
Ensuite, on est tout le temps en éveil, dans la rue, chez les gens, avec toujours les mesures des comédiens sur nous.
Le travail avec le metteur en scène
Ensemble, c'est un jeu de ping-pong. La costumière propose des photos de costume, d'ambiance, de matières, de couleurs, puis le metteur en scène réagit. Et ainsi de suite... Pour arriver à une vision claire du personnage et ce qu'on veut en montrer.
L'univers théâtral
Ce qui me plaît, c'est le lieu même du théâtre, de travailler en équipe, de transformer le texte en volume, en vivant.
On est très proche, juqu'à la fin, de ce qu'on fait.
C'est l'ensemble de tous les métiers qui se met au service du comédien et fait la réussite du spectacle.
Costume et stéréotype
Le but en général est d'y échapper. Chaque metteur en scène veut souvent raconter autre chose. C'est intéressant aussi d'imaginer l'inverse de l'image première qu'on se fait du personnage. Et puis avec le costume, on se pose la question de ce qu'on veut montrer ou cacher. Le costume, forcément parle, dévoile la personnalité.
Mais le symbole (ou le stéréotype) est parfois une graine de vérité à laquelle on n'échappe pas.
Des corps
Dans les meilleures conditions, on peut assister aux répétitions et voir les corps, leurs façons de bouger. C'est très inspirant et détermine beaucoup le costume.
Photo du spectacle Les trois soeurs de Tchekhov
mise en scène de Jean-Yves Ruf
L'influence de la mode actuelle
Ce serait mentir que de dire le contraire. Oui, chaque mise en scène s'ancre dans une époque, donc dans une mode.
Le manque d'inspiration
Oui, ça peut arriver. Alors on essaie, comme avec un enfant, d'apprendre à aimer et s'approprier le personnage.
Les trois soeurs : le costume le plus difficile à faire
Ca a été celui d'Olga (la vieille fille résignée). On voulait éviter les clichés et après de nombreux essayages différents, on a fait le choix du pantalon. On a fait aussi des séances de shopping avec la comédienne, en prenant des photos dans les magasins. On a ensuite fait du collage, du montage pour arriver au résultat final.
Les retouches
Il vaut mieux éviter d'en faire une fois les représentations commencées, pour ne pas mettre les comédiens en difficulté. Il faut aussi savoir s'arrêter, lâcher prise.
Rythme de travail
Je fais en moyenne deux à trois spectacles par an, sachant qu'on passe quatre à six mois sur la conception des costumes, en fonction des moyens et du metteur en scène.
Liens personnages / costumière
Je me surprends parfois à m'habiller de la même manière qu'un des personnages sur lesquels je travaille. On dit aussi qu'on me reconnaît dans les costumes que je fais...