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Interview de

Sophie Lecarpentier

metteur en scène /

assistante à la mise en scène 

    Le vendredi 18 mars 2016, nous sommes allés voir  Tartuffe ou l'imposteur de Molière, dans une mise en scène de Luc Bondy aux ateliers Berthier.

Circonstances particulières : nous devions voir Othello de Shakespeare, nouvelle création prévue par Luc Bondy, metteur en scène et directeur du théâtre de l'Odéon, mais la maladie a eu raison de lui et l'a emporté avant qu'il ait pu monter ce nouveau spectacle. Une reprise de Tartuffe , montée par lui l'année précédente, est la solution de remplacement. 

   Le jeudi 24 mars 2016, nous avons rencontré dans notre établissement Sophie Lecarpentier, assistante à la mise en scène de cette reprise de Tartuffe. Nous l'avons interrogée sur son parcours et ses différents métiers, ainsi que sur le travail de reprise du spectacle.

 

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Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous diriger vers le théâtre ?

Quand j’étais jeune, j’ai eu un choc théâtral : j’ai eu l’occasion d’assister, en tant que spectatrice,  à un travail de répétition pendant trois jours.

J’ai senti la montée d’adrénaline au fil des répétitions, couplée à une grande concentration. Pour moi, tout était là.

Après ça, j’ai intégré le club théâtre de mon collège, puis pendant mes années de lycée, j’ai constitué une troupe amateur pour qu’on puisse continuer à se revoir entre copains.

Comment avez-vous géré en même temps vos études et le théâtre dans votre parcours ?

J’ai suivi une prépa littéraire (hypokhâgne et khâgne) en même temps que le Conservatoire d’Art Dramatique de Rouen. En fait, la prépa a développé en moi une énorme capacité de travail (près de 14h par jour parfois) : ça a été une formidable formation. Donc j’ai su jongler entre les deux parce que j’ai appris à travailler beaucoup, efficacement.

Puis j’ai poursuivi des études de Lettres à l’Université, en me spécialisant autour de Beaumarchais.

J’ai passé les concours du Conservatoire de Paris et aussi du TNS : ça me paraissait être une condition pour continuer à être comédienne. Mais je n’ai pas été prise, contrairement à beaucoup de mes amis qui ont intégré le TNS.

Finalement, j’étais surtout attirée par la direction d’acteurs. J’ai donc décidé de créer ma compagnie : « Eulalie », ce qui m’a demandé près de trois ans.

Mais c’est incontournable quand on veut être metteur-en-scène.

Qu’est-ce qui vous intéresse tant dans le travail de mise en scène ?

(Sophie Lecarpentier a monté de nombreux spectacles, autour d’auteurs différents comme Beaumarchais, Marivaux, Nathalie Sarraute, Catherine Anne, Philippe Delerm, Gérard Watkins, Julien Saada, Steven Berkoff, Dieudonné Niangouna.)

C’est un métier qui me correspond bien : il faut à la fois avoir de la rigueur, l’esprit mathématique, le sens de l’organisation, mais aussi aimer la littérature.

Metteur en scène, c’est être passeur de texte, d’une écriture.

Cela permet de vivre une relation humaine directe, avec aussi la possibilité de continuer à apprendre, à se remplir à chaque fois.

En quoi consiste le métier d'assistant à la mise en scène ?

(Sophie Lecarpentier a assisté plusieurs fois Luc Bondy, Jean-Pierre Vincent, et aussi Yasmina Reza, Edouard Bear).

C'est un métier à inventer à chaque fois qu'on travaille avec un metteur en scène, en fonction des attentes, des besoins du metteur en scène. Il faut donc s'adapter.

Bien sûr, en général, on doit s'occuper du planning des répétitions, de l'organisation générale, de faire le lien avec le régisseur général, les comédiens et tous les autres intervenants ; il faut être capable de discuter avec tout le monde. On doit aussi faire un retour sur le spectacle : tous les soirs des représentations, on prend des notes sur la tenue du spectacle, afin de s'assurer qu'il ne se décale pas trop sur la durée.

Parfois, comme avec Luc Bondy, le travail est aussi une collaboration artistique, c'est-à-dire qu'on échange sur les propositions faites sur le plateau, on discute ensemble des options à prendre.

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Quelle relation a l'assistant avec les acteurs ?

En fonction du metteur en scène, on peut plus ou moins échanger avec les acteurs. En général, plus le metteur en scène est confirmé, moins il a à affirmer son savoir-faire, plus il laisse de place à l'assistant et plus on peut discuter avec les comédiens. Il ne faut pas passer pour un concurrent !

Avec Luc Bondy, on pouvait discuter facilement avec les acteurs. Au contraire, ils venaient souvent me voir car je faisais une sorte de travail de traduction, de "décodeur" de la parole de Luc. Luc Bondy donnait des indications très légères, en parlant tout bas, souvent exprès pour obliger l'acteur à se questionner. Tout ne leur parvenait pas.

Avec d'autres metteurs en scène, on ne peut communiquer avec les acteurs ; on ne peut alors créer de liens affectifs.

Quelle différence fondamentale y a t-il entre metteur en scène et assistant ?

Quand on est assistant, on n'a pas à choisir, c'est plus reposant. Le but c'est simplement de faire en sort que le choix du metteur en scène se fasse de la façon la plus agréable possible.

Quand on est metteur en scène, on est au service d'un spectacle. C'est fatigant : on doit décider de tout.

Le problème principal est d’avoir l’argent nécessaire : la recherche d’argent est difficile et lourde, mais incontournable.

Comment l'assistanat sur la reprise de Tartuffe s'est-elle passée, dans la mesure où Luc Bondy n'était plus là ?

C'était une expérience unique, en grand deuil.

Je n'avais pas été assistante sur ce spectacle-là au moment de sa création.

La situation était compliquée parce qu’il y avait trois directions sur la reprise de ce spectacle : la femme de Luc Bondy, qui représentait Luc, le chef ; l’ancien assistant de la création du spectacle l’année passée, et moi, qui avais aussi déjà travaillé avec Luc.

Toute la difficulté a consisté à trouver la fidélité de ce qu'avait créé Luc. Même dans l'infidélité parfois.

La question était de savoir s’il fallait essayer de garder l’âme ou plutôt les gestes de la version originale.

Il a fallu tout réinventer, avec des comédiens différents parfois. On ne pouvait pas leur faire faire exactement la même chose qu’avec les précédents.

On n’avait pas de trace écrite de la mise en scène, ni de captation vidéo du spectacle final, sauf pour cinq scènes exploitées par la télévision.

On avait bien une captation vidéo de 10 jours avant le spectacle, mais on sait bien qu’avec Luc, tout change beaucoup vers la fin, juste avant la première.

On a dû s’appuyer sur les souvenirs de six comédiens, qui avaient joué dans la première mise ne scène ; mais il s’est avéré qu’ils avaient tous des versions différentes !

Et puis s’est posée la question du costume : il existe toujours un lien fort entre le comédien et son costume : on doit lui trouver une enveloppe qui lui convient.

Pour aller plus loin : une interview en vidéo de 30 mn de Sophie Lecarpentier sur son parcours et la création d’un spectacle, sur le site Culturebox.

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