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Interview de

Isabelle lafon

metteure en scène

comédienne

Le jeudi 04 mai 2017, les élèves de Première sont prêts pour recevoir et interroger Isabelle Lafon, metteure et scène et comédienne, à propos de son spectacle, Une mouette, vu quelques jours avant au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, le mardi 25 avril 2017.

Juste avant la rencontre, nous apprenons qu'Isabelle Lafon s'est fait une entorse à la cheville et se doit donc d'annuler la rencontre, afin de se concentrer sur la représentation du soir d' Une mouette.

Par le biais du TGP, nous lui envoyons plus tard les questions soigneusement préparées, auxquelles elle a eu l'amabilité de répondre par mail de façon détaillée.

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Quelles sont les raisons du choix de cette mise en scène minimaliste ? (absence d’accessoires, d’éléments de décor, de costumes représentant les personnages, rapport frontal avec le public)

Le choix d'une mise en scène minimaliste ou non se définit au fur et à mesure du travail. Je me suis aperçue que cette pièce parlait du théâtre, qu’elle commençait par la représentation d’une pièce  de théâtre écrite par Treplev , donc très naturellement, je me suis posée la question de la représentation.

Je comprends la question mais le minimalisme pour moi n’est pas forcément dans l’absence de décor. Car le théâtre en lui-même est un gros décor ! 

La Mouette a été beaucoup jouée. Je crois parfois que nous l’avons tellement vue que nous avons oublié de quoi cette pièce parlait. J’avais envie, avec des moyens différents (moins de comédiens, le théâtre comme décor pour une pièce qui parle du décor), de faire ressentir ce texte, cette histoire plus fort. On peut au cinéma n’utiliser qu’une caméra et en montrer beaucoup plus qu’un film qui en utilise deux ou trois ! 

Quelles sont les facilités /difficultés qu'entraîne cette mise en scène ?

Les facilités .... il faudrait le demander aux comédiennes alors que là, c’est moi qui répond.

C’est grisant car on ne peut compter que sur nous, sur notre rythme. Et de la même façon, c’est difficile car nous n’avons rien sur quoi nous appuyer. Nous n’avons pas d’entrées ni de sorties ; pas de fauteuils, pas de changement de décor. Comme s’il fallait tout vivre là avec les mains nues devant les spectateurs.

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Pourquoi avoir choisi seulement cinq comédiennes (dont vous) ? Pourquoi uniquement des femmes ? Pourquoi pas plus ?

Il y a douze personnages et effectivement nous  sommes moins. J’ai enlevé des personnages et parfois certaines d’entre nous jouent deux personnages différents. Au début, nous étions quatre et finalement, cinq semblait plus intéressant. Pourquoi cinq ? Pour rassembler, condenser. Quand on change les règles de départ, être cinq au lieu de douze, je pense qu’on est obligé de faire jaillir des choses qui n’existeraient pas autrement. Au début, j’avais imaginé qu’il ne restait que des femmes, que les hommes étaient absents et que malgré tout, la pièce se jouerait. 

J’ai lu un texte de Charlotte Delbo qui raconte, quand elle était dans un camp de concentration, comment elles avaient joué une nuit une pièce de Molière avec les autres femmes déportées.

Je joue dans tous mes spectacles car c’est aussi beaucoup en tant que comédienne que je dirige : en étant à l’intérieur.

Comment avez-vous appréhendé, abordé le texte de Tchekhov ?

Il s’agit là d’une adaptation. Le montage a été fait pendant les répétions. Il s’agissait avant tout de faire attention à la compréhension de l’histoire.

Dans Une mouette, vous restez tout le temps debout et pratiquement statiques : quel a été votre rapport avec l'espace scénique ? Comment avez-vous fait pour rendre ces personnages vivants ?

On reste debout car on n’a pas le temps de s’asseoir ! Ne pas bouger ne veut pas forcément dire ne pas être mobile. Chaque geste, intention se voit plus. On ne peut se cacher dans un costume, dans un décor. Il faut jouer plus intensément, me semble-t-il, comme si le texte nous emportait au-delà de nous-mêmes !
 

Etes-vous êtes une adepte de ce style de mise en scène extrêmement épurée ?

Est-ce un principe de fonctionnement – en référence à l’espace vide de Peter Brook – ou était-ce spécifique à ce spectacle pour mieux faire raisonner le texte ?

Envisagez-vous aussi une mise en scène très travaillée et complexe ?

Non, je ne suis pas adepte de l’épure. Je ne sais pas très bien ce que ça veut dire d’ailleurs ! J’aime quand le théâtre montre d’où il part.  Je crois que pour Une Mouette, c’était important.

Pour mon prochain spectacle au TGP, il y aura des costumes et quelques éléments sur le plateau.

Et n’oublions pas que la simplicité est complexe !

Pensez-vous que l'évolution du théâtre va nous amener à faire un travail quasiment uniquement sur le texte (c'est à dire avec une mise en scène très épurée), comme il semble que ce soit la tendance actuellement ?

Je ne crois pas qu’il y ait de tendance actuelle (à part celle de mettre de la vidéo partout) et j’ai plus l’impression qu’on doit jouer plus avec un plateau vide, qu’on doit vraiment se laisser incarner.

Frustrant pour le spectateur ? J’espère que non ; les retours sur Une Mouette disent plutôt que le spectateur se sent concerné, éveillé et qu’il voit de la vie se faire. Alors peut être que certains spectateurs n’aiment pas du tout être si près d’un texte et je comprends aussi.

Lorsque vous regardez une pièce de théâtre, qu'est-ce que vous regardez en premier ?

Je regarde les acteurs en premier quand j’assiste à un spectacle. Je me laisse aussi prendre par une histoire. Je me laisse entraîner quand cela sort de ce qu’on attend habituellement.

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